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La Revanche - Episode 8

vendredi 7 avril 2017, par Sylvie Pichon

[AVERTISSEMENT : Bien qu’inspirés de la réalité, les personnages comme les événements de cette histoire sont totalement fictifs.]

Après la trêve bienvenue des vacances de Noël, c’est le cœur serré par l’angoisse et la peur au ventre qu’élèves et professeurs reprirent le chemin du collège. Désormais, c’est 10 élèves et un enseignant qui étaient portés manquants et si nombreux étaient ceux qui avaient perdu un ami, tous craignaient de disparaître à leur tour.
Malgré cette ambiance tendue, les enseignants avaient décidé de se réunir le jeudi soir de la rentrée après les cours pour tirer les rois en salle des profs. Pour une fois, tout le monde était présent pour la plus grande satisfaction de Mme Varalta qui souligna l’importance de se serrer les coudes en ces circonstances difficiles, même si le cœur n’était pas vraiment à la fête. Mme Antonini venait de se coiffer de la couronne, sous les applaudissements de Mme Leborgne, lorsqu’un épouvantable fracas de tôle froissée fit sursauter les professeurs. Mme Antonini en fit tomber sa fève… M. Duplaix se précipita vers les fenêtres obscurcies par la nuit en s’exclamant d’un air affolé :
- « Oh la la ! Il va encore y avoir des morts ! Avec un bruit pareil, c’était au moins un bus ! »
M. Darmont, blême, semblait au bord de la syncope et se laissa tomber sur un fauteuil, les yeux fixés sur la fève brisée. Tous les enseignants avaient rejoint M. Duplaix à la fenêtre et scrutaient en vain les abords du collège. A la stupéfaction de tous, la rue était vide et chacun s’interrogeait sur la provenance possible du bruit. Visiblement, il ne s’était rien passé… Etienne Darmont marmonnait qu’un castor avait dû tomber du toit en buvant son cidre. Ses collègues, déjà déstabilisés, le regardèrent d’un air consterné mais évitèrent tout commentaire : il n’allait de toute évidence pas très bien depuis quelques temps… Lorsque l’assemblée se sépara, un peu plus tard, Mme Pichon, curieuse, ramassa la fève brisée. C’était un bus scolaire jaune…

Au Club lecture, le lendemain, elle se tailla un petit succès en racontant l’épisode de l’accident fantôme. Il parut évident à tous que l’accident de car survenu vingt ans plus tôt était la clé du mystère et que comprendre ce qui s’était passé permettrait enfin de savoir pourquoi les élèves disparaissaient. Il était vraiment temps de parler avec M. Darmont… Mme Pichon s’engagea à le convaincre de venir le mardi suivant, pour la prochaine session du Club.

La semaine suivante, l’atmosphère était électrique. Marion avait été protégée pour rien tout le week-end par Anaïs et Thomas, puisqu’à la grande surprise de tous, c’est la Principale adjointe qui avait disparu. Il se murmura en 4e2 qu’elle portait le même prénom… Tout le fonctionnement de l’établissement, qui s’était maintenu jusque-là cahin cahas, en était perturbé.
Lorsqu’il arriva au CDI, il parut évident à tous que M. Darmont n’était plus que l’ombre de lui-même : amaigri, le regard hanté et cerné, le teint cendreux, il faisait peine à voir. C’est d’ailleurs d’une voix atone qu’il raconta son histoire aux élèves.
-  « Nous montions en car les derniers kilomètres de la route sinueuse de la station de ski où nous devions passer une semaine, mes camarades de 4e2 et moi, et nous étions pressés d’arriver. J’avais mal au cœur et j’essayais de m’imaginer en train de dévaler les pistes pour me changer les idées quand la peluche castor de Jade m’est tombée sur la tête dans un virage particulièrement serré. En me penchant pour la ramasser, mon envie de vomir est devenue irrépressible. Je me suis levé précipitamment, une main posée sur la bouche pour demander au chauffeur de s’arrêter. Un nouveau virage en épingle a déclenché la catastrophe : mon repas de midi s’est déversé en gerbe sur le chauffeur, qui, surpris, a donné un coup de volant et perdu le contrôle du véhicule… Avec un grand bruit de freins et de tôle, le car a quitté la route, heurté la rambarde et basculé dans le précipice, dans un ralenti cauchemardesque, au milieu de nos hurlements terrorisés… »
Son regard se perdit un long moment dans le vague, comme s’il revivait la scène et ses lèvres tremblaient lorsqu’il reprit ;
« Quand je me suis réveillé à l’hôpital, quelques jours plus tard, j’ai appris que j’étais le seul survivant… Aujourd’hui encore, je ne saurais pas l’expliquer… Je suis resté à l’hôpital jusqu’à la fin de l’année scolaire puis j’ai fait ma troisième dans un autre collège, mais j’ai mis une éternité à m’en remettre et cette histoire n’a jamais cessé de me hanter… Je pensais exorciser tout ça en revenant ici comme prof, mais on ne peut pas dire que ce soit réussi ! Il eut un petit rire nerveux. Les mêmes questions sont revenues en boucles : Pourquoi moi ? Pourquoi ne suis-je pas mort comme les autres ? C’est le hasard ou ça a un sens ? Le destin m’a-t-il préservé dans un but particulier ? Et dans ce cas qu’est-ce qu’il attend de moi ? »
M. Darmont semblait triste et amer, et en même temps soulagé de pouvoir enfin confier son histoire.
- « Et toutes ces disparitions, tous ces petits objets que je trouve dans mes affaires… j’ai fini par penser que quelqu’un ici connaissait la vérité et voulait me faire payer… »