search

Accueil > CDI > Feuilleton > La Revanche - Episode 10

La Revanche - Episode 10

vendredi 12 mai 2017, par Sylvie Pichon

Un conseil de guerre fut aussitôt réuni au CDI et il fut décidé que, sous prétexte d’une soirée pyjama (pour ne pas éveiller les soupçons de ses parents), Anaïs serait surveillée chez Mme Pichon par Carèle et Marion qui se relaieraient toutes les nuits pour ne jamais la perdre de vue.
Le samedi soir, repues de pizzas et de Monopoly, les trois filles se couchèrent vers 23h, Carèle installée sur un fauteuil pour rester éveillée jusqu’à 4h où elle passerait le relais à Marion. Fatiguée par la quasi nuit blanche de la veille (les filles avaient papoté jusqu’au matin), Carèle sentait sa tête dodeliner et ses yeux de fermer malgré tous ses efforts. Elle fut réveillée en sursaut par un bruit indéterminé et, voyant à la lueur de la veilleuse qu’Anaïs n’était plus dans son lit, se mit à la chercher dans toute la maison. Elle n’était malheureusement nulle part… Gagnée par la panique, elle réveilla Marion puis Mme Pichon qui leur ordonna d’enfiler un manteau et des chaussures avant de monter dans la voiture pour sillonner les rues de Fourchambault à la recherche de la disparue. A 1h du matin, les rues, tous réverbères éteints, étaient vides et, sous le ciel encore noirci par les nuages, seules les feuilles mortes voletaient dans le vent et donnaient un semblant de vie à la ville. Soudain, Marion eut une intuition et interrompit les lamentations de Mme Pichon qui se demandait ce qu’elle trouverait à dire aux parents d’Anaïs :
-  « Elle est forcément au collège ! C’est de là que tout vient ! »
La voiture fit demi-tour dans un crissement de pneus et se dirigea sur les chapeaux de roues vers le parking du collège pendant que Carèle appelait Etienne Darmont qui vivait sur place depuis quelques semaines. Les trois femmes jaillirent de la voiture et se précipitèrent vers le portail du collège qu’Etienne leur ouvrit puis Mme Pichon tourna d’une main tremblante la clé de la porte extérieure du CDI. Carèle refusant catégoriquement de se retrouver seule, deux équipes furent formées. Marion et M. Darmont partirent du côté de la SEGPA tandis que Mme Pichon et sa fille fouillaient le rez de chaussée et le premier étage. Dehors, le vent s’était levé et sifflait dans les interstices des fenêtres, seulement troublé par l’écho précipité du son des pas des quatre personnes présentes. Les sifflements du vent se muèrent en lamentations accusatrices « c’est ta fauuuuteee… », « c’est ta fauuuuteeee » gémissait-il, accompagné de lueurs livides qui tourbillonnaient dans les couloirs sombres et déserts. Ils en avaient des frissons glacés et les jambes flageolantes…
Un cri perçant domina soudain cette rumeur sinistre :
-  « Anaïs ! non ! » hurla Etienne Darmont depuis la cour principale.
-  « Ne saute pas ! Par pitié ! » s’exclama à son tour Marion, la voix brisée par les sanglots qui montaient.
Carèle et sa mère se précipitèrent vers la salle de musique et, suivant les gestes frénétiques du professeur de mathématiques levèrent le regard vers l’étage supérieur : Anaïs, assise sur la rambarde du 2ème étage, les jambes dans le vide et le regard vague chantonnait un air monotone en secouant mécaniquement la tête, une main posée sur sa cicatrice qui saignait de nouveau.
M. Darmont répartit les tâches dans l’urgence :
- « Marion, tu continues à lui parler pour la raisonner, Carèle et Sylvie vous montez la récupérer et moi je reste en dessous pour essayer de la rattraper au cas où ! »
Ravalant ses larmes, Marion lui murmura des paroles rassurantes pendant que les deux autres montaient les escaliers quatre à quatre, priant pour arriver à temps. Lorsqu’elles surgirent de l’escalier, chacune de son côté, Anaïs était toujours sur la rambarde mais avait ouvert les bras et susurrait d’une voix accusatrice et aigüe « C’est ta fauuuuteee… » en désignant sans le voir son professeur, 7 mètres en dessous d’elle. Elle basculait en avant lorsque 4 mains l’agrippèrent sans douceur et la ramenèrent en arrière sur le balcon dans un concert de cris affolés. Mme Pichon, ne sachant que faire, lui donna une claque qui résonna sèchement dans tout le hall pour essayer de la sortir de son état second.
Anaïs ouvrit brusquement de grands yeux scandalisés :
-  « Mais qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi vous me frappez ? Vous avez pas le droit ! »
Carèle éclata d’un rire hystérique, aussitôt rejointe par les autres, submergés par le soulagement comme par l’absurdité de l’indignation de la jeune fille.
-  « Bon sang ! Mais qu’est-ce que j’aurais dit à sa mère ! » s’exclama Mme Pichon, moitié riant, moitié pleurant, pour la millième fois de la soirée, redoublant l’hilarité des autres sous le regard furibond d’Anaïs qui essayait désespérément de comprendre ce qu’elle faisait là…

[AVERTISSEMENT : Bien qu’inspirés de la réalité, les personnages comme les événements de cette histoire sont totalement fictifs.]