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La Revanche - Episode 12

samedi 27 mai 2017, par Sylvie Pichon

Le jeudi soir, la cour du collège était d’une obscurité inquiétante lorsque les 4 filles et leurs deux enseignants y entrèrent, le matériel à la main.
-  « Quelqu’un a pensé aux allumettes ? Demanda Mme Pichon, un peu nerveuse.
-  Non, mais j’ai un briquet. La rassura M. Darmont, tu sais bien que je me suis remis à fumer, avec toute cette histoire… Bon, je vous ai fait un croquis avec les mesures, dit-il en tendant à Marion une feuille pliée en 4. Julie, tu te mets au centre avec le piquet, tu le tiens bien et tu ne bouges plus !
-  Mais…
-  Pas de discussion, c’est sérieux ! Il faut absolument qu’on soit prêts pour minuit. Carèle, tu prends l’extrémité de la cordelette avec la craie et tu traces les formes au sol en suivant bien le schéma. Anaïs et Marion, vous prenez ce mètre et vous la dirigez : il faut que les mesures soient justes. Sylvie et moi, nous vous suivons avec le mélange sel/salpêtre que nous déposerons en suivant le motif à la craie.

Chacun s’activa en silence, sursautant à chaque bruit inattendu, craignant à chaque seconde d’être surpris et interrompus. Les lueurs des lampes torches et leurs reflets dans les vitres formaient un ballet sinistre qui ajoutait à l’ambiance tendue. Impression ou réalité ? Tous avaient le sentiment d’être épiés par la classe disparue.
Le pentacle terminé, des bougies furent allumées à chaque pointe de l’étoile et la plus grosse installée au centre. Les 5 femmes prirent place à la pointe des triangles et Etienne Darmont, debout au centre, feuilleta une dernière fois l’agenda d’Océane. Lorsque les premiers coups de minuit sonnèrent à la cloche de l’église St Louis, les filles mirent à murmurer en rythme la formule rituelle :
-  « Ruhra ananke creos aurum froyzen ! Ruhra ananke creos aurum froyzen ! Ruhra ananke creos aurum froyzen ! Ruhra ananke creos aurum froyzen ! …”
Au 12ème coup de la 2ème sonnerie, Etienne arracha une double page de l’agenda et prononça le premier prénom :
-  « Théo »
Les feuillets s’enflammèrent, puis s’envolèrent vers le ciel, petits morceaux de papier noircis et encore rougeoyants qui s’évaporaient en silence. Un visage à peine esquissé se dessina dans la fumée de la bougie.
Dans la cour la température avait baissé de façon soudaine et les filles serrèrent leurs pulls plus étroitement contre elles. De la buée sortait de leurs bouches alors qu’elles répétaient l’incantation sur un ton hypnotique, de plus en plus fort, pendant que M. Darmont arrachait page après page et citait le nom de ses camarades disparus :
-  « Marion… Nathan… Bastien… Alexis… Noémie… Juliette… Mathis… Sa voix trembla lorsqu’il prononça le nom de son amour de jeunesse : Océane… Baptiste… Stéphane… Justine…
A chaque nom brûlé, le visage du mort s’esquissait dans la fumée. Enfin, il arracha les deux dernières feuilles et prononça le dernier prénom :
-  « Etienne…
-  - Non ! Cria Mme Pichon, qui venait de comprendre. Ne fais pas ça ! »
Mais d’un geste calme et déterminé, il brûla les feuillets. Soudain, le pentacle prit feu, enflammant le sel et le salpêtre et dégageant une épaisse et âcre fumée qui aveugla les 5 filles.
Lorsque flammes et fumée se dissipèrent, le professeur avait disparu !
Les filles d’abord muettes de surprise, éclatèrent en sanglots comprenant soudain qu’il s’était sacrifié pour le bien de tous.
-  « C’était un héros et un si bon prof de maths ! S’écria Carèle, bouleversée.
-  Oui et il était si beau… Je l’aimais tellement ! Reprit Anaïs, la voix hachée par les larmes.
-  Mais pourquoi a-t-il fait ça ? Il savait ce qui se passerait ?
-  Je crains que oui, mais il ne supportait plus de se sentir coupable de la disparition des élèves. Vous ne le savez peut-être pas, mais sa femme l’a quitté, il était devenu trop étrange, leur répondit Mme Pichon, visiblement choquée elle aussi par son sacrifice inattendu. Je comprends maintenant pourquoi il avait l’air si joyeux ces jours-ci : il savait enfin quoi faire pour sauver les derniers élèves de la liste. Ça le tourmentait tellement !
Secouant leur tristesse, elles se mirent à ramasser les bougies et effacer les traces sur le sol. Arrivées au centre du pentacle, elles trouvèrent, à leur grande surprise, un petit castor en peluche mauve qui ricana d’une voix aigüe lorsque Carèle lui appuya par inadvertance sur le ventre.
-  Le cas… castor ! bégaya-telle, stupéfaite, celui du bus, je parie !
Elles se regardèrent toutes les cinq d’un air entendu, puis quittèrent la cour d’un pas vif, pressées de rentrer chez elles.

[AVERTISSEMENT : Bien qu’inspirés de la réalité, les personnages comme les événements de cette histoire sont totalement fictifs.]