Pour ce jour de rentrée, j’exige de ma mère qu’elle gare sa Fiat 500 à deux rues du lycée pour éviter d’être vue avec elle : ok, tout le monde a sans doute des parents, mais je suis certaine que le mienne est particulièrement… comment dire… dépourvue d’allure. Je rejoins d’un pas souple -malgré mes talons hauts peu commodes, j’avoue- la cour du lycée Alain Colas en repassant dans ma tête les détails glanés dans le journal intime.

Une jeune fille aux cheveux châtains mi-longs se précipite vers moi puis s’arrête brusquement, l’air perdu, avant de se décider à se rapprocher de moi avec un sourire crispé.
  « Ariana ? Euh… j’ai eu du mal à te reconnaître… Tu es… euh… enfin… différente !
  Eh ! Alyssa ! Je lui lance avec mon plus beau sourire, certaine que c’est forcément ma Best. Alors, ça boume ?
  Ouais, super… élude-t-elle avec un geste évasif de la main. Alors, tes vacances avec tes parents, c’était cool ?
  Hum oui, enfin… tu sais… toujours compliqué… Je noie le poisson à mon tour : soit Ariana n’en a pas parlé dans son journal, soit c’était si ennuyeux que j’ai arrêté au bout de deux lignes. Changeons de sujet ! Tu sais quoi ? Je t’emmène faire du shopping après les cours ! C’est une vraie urgence pour nous deux !
  Ah ? Mais, euh, je suis déjà allée à Décath avant la rentrée, me répond-elle d’un air réticent. J’ai déjà tout ce qu’il me faut ! »
Je la dévisage des pieds à la tête, pas du tout convaincue. De toute évidence, elle partageait les goûts d’Ariana en matière vestimentaire.
  « Ouais, ben on va aller ailleurs, alors, hein ? Je suis sûre qu’on peut trouver beaucoup, beaucoup mieux ! »

Je la prends par le bras et la conduis vers le patio où le Proviseur commence à faire l’appel des Terminales. Alyssa me guide tout naturellement vers le reste de la classe et mes camarades me lancent des regards étonnés, voire carrément ébahis, en particulier les garçons, qui me saluent d’un sourire appréciateur, que je m’empresse de leur rendre.
Une jolie petite blonde, sexy en diable, vêtue d’une robe à fleurs scandaleusement courte et décolletée, écarte ses camarades d’un geste impérieux et vient se planter devant moi.
  « Alors ? On a découvert la mode ? Tu t’es abonnée à un blog ? Elle me dévisage d’un œil critique. C’est mieux, mais ya encore des efforts à faire ! Lâche-t-elle avec un petit rire condescendant. »
J’en conclus que c’est Paulina, ma meilleure ennemie, accompagnée de sa petite cour qui attend d’un air goguenard ma déconfiture annoncée. Je me penche vers elle, toujours souriante.
  « Oh, tu sais, les fleufleurs, c’est pas trop mon style… J’ai arrêté il y a une dizaine d’années ! »
Visiblement stupéfaite que j’ose lui répondre sur ce ton, elle détourne brusquement la tête vers ses amis et s’éloigne, l’air pincé, en marmonnant.
  « Pour c’que t’y connais ! »
Sa petite bande me jette des regards dégoûtés et s’écarte en entourant et réconfortant sa championne.
Alyssa en sautille d’excitation :
  « Oh là, là ! Comme tu l’as mouchée ! « Les fleufleurs c’est pas trop mon style » : trop fort ! »
Au nombre de sourires approbateurs voire carrément ravis que m’adressent les élèves de ma classe, j’en conclus que Paulina est tout sauf unanimement appréciée.
Tant mieux, ce sera d’autant plus facile pour moi d’étendre mon influence dans la classe. Chacun aura vite fait de choisir son camp…

Seul un jeune homme tout en noir, négligemment adossé à un pilier du hall, reste à l’écart du groupe et me jette un regard que je ne sais pas déchiffrer : mépris ? Ironie ? Condescendance ? Je le fixe à mon tour de mon air le plus mauvais, mais il ne semble pas du tout intimidé ni disposé à détourner ses yeux dorés.
  « Qu’est-ce qu’il me veut, lui ?
  Chuuut ! Pas si fort ! Il va t’entendre ! me chuchote Alyssa en levant vers moi un visage cramoisi et en tentant, -en vain, je suis plus grande qu’elle- de se mettre en travers de mon champ de vision. Et je sais pas, c’est un nouveau… J’ai cru entendre qu’il s’appelle Samuel. »
Je la scrute une seconde et la regarde avec amusement se tortiller et contempler ses baskets avec un intérêt tout à fait disproportionné. Je décide de choisir la méthode chirurgicale : avec une fille comme elle, ça me semble plus efficace. Sinon elle va se faire des films et souffrir pendant des mois.
  « Ah oui ? Et bien ma grande, tu ferais mieux de laisser tomber. Crois-moi, c’est pas un garçon pour toi ! »

Laissant la pauvre Alyssa encore plus rouge et confuse qu’avant, j’emboîte le pas de la classe qui emprunte l’escalier pour rejoindre sa salle. Du coin de l’œil, je vois un mince sourire sans chaleur étirer les lèvres du beau brun, comme si, d’une façon ou d’une autre, je venais de confirmer la piètre opinion qu’il avait déjà de moi.
L’un dans l’autre, je crois que je vais follement m’amuser : j’adore les défis !

Note 1 : Qui est le petit ami de Paulina ? Il faut absolument que je lui pique.
Note 2  : C’est quoi ce nom de famille ? Balkrowiak ??? C’est le nom d’un démon inférieur, ça ! Ce serait pas une Sahir, cette Paulina ? Faire des recherches et prévenir le Khaghän.

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