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Le Portail d’Outremonde - 17

vendredi 18 mai 2018, par Sylvie Pichon

Chapitre 17 : Samuel

J’ai du mal à comprendre Ariana, décidément. Elle a l’air plutôt investie dans notre relation, elle est prête à rencontrer officiellement mes parents et elle n’est pas la dernière question baisers, mais on ne peut pas dire qu’elle soit très tendre. Parfois attentionnée, mais franchement sarcastique et souvent froide. Mais je suppose que c’est ce qui m’a séduit chez elle au départ : son caractère bien trempé et indépendant. Nous passons un peu trop de temps à mon goût avec Manon, Mathis, Thomas et leurs copines respectives et, même si ça élargit un peu mon cercle de connaissances à Nevers, qu’aller au ciné ou au restau avec eux est sympa, ce ne sont pas forcément les amis que je me serais choisis. Ils ne sont pas très intéressants. Et puis leur façon de traiter leurs copines me dérange : elles les regardent avec adoration mais se font jeter deux fois sur trois. Dès qu’Alyssa a le dos tourné, par exemple, Thomas et Ariana se payent sa tête. Dieu sait pourtant qu’elle le regarde comme Bella son amoureux vampire ! Heureusement qu’Ariana ne se comporte pas comme ça avec moi, malgré sa froideur. Pas en ma présence, en tout cas… Pffff…

Lorsque les vacances arrivent, mes parents, mes deux frères et leurs épouses débarquent à la maison. Il faut se serrer, même si l’appart est grand et c’est la fin de ma tranquillité ! Ma mère est hyper excitée à l’idée de rencontrer ma petite amie, sur laquelle elle ne semble jamais à court de questions. Elle organise illico un dîner dans un restau chic de Nevers, à deux rues de chez moi. Ariana est pile à l’heure et réussi l’exploit d’être à la fois chic et sexy dans une robe de soie noire qui moule ses formes et une petite veste de daim assortie, brodée d’arabesques argentées. Son décolleté plongeant me perturbe un peu mais, de toute évidence, elle réussit à conquérir aussitôt l’ensemble de la famille. Elle explique avec un sourire charmant qu’elle a découvert par hasard qu’elle était une Sahir en voyant le sigil sur nos portes de cave mais elle ne leur parle pas de son sang doré. J’en suis soulagé car je soupçonne que cela aurait soulevé beaucoup de questions. Elle a l’air très excitée par son nouveau statut. Mes parents soulignent (lourdement) que la chasse est réservée aux Sahirs bien entraînés et que c’est extrêmement dangereux. Nous échangeons un coup d’œil entendu et évitons de les informer qu’elle a déjà commencé les patrouilles. Ariana embraye habilement sur l’histoire des Sahirs, leurs coutumes et traditions, thème sur lequel mon père se fait un plaisir de la renseigner pendant tout le reste de la soirée. A son crédit, Ariana ne quitte pas son air passionné et le relance sur un nouveau sujet chaque fois qu’il semble au bout de ses explications.

Alors que nous rentrons tous ensemble à pieds, nous tombons impromptu sur une petite escadre de trois Shaïtans qui semblent tout surpris d’être visibles pour notre groupe. Le temps qu’ils comprennent la menace, chacun des membres de la famille a sorti le katana dissimulé sous ses vêtements et attaque les démons. Mon père m’ordonne de tenir Ariana à l’écart et de la protéger. Ça m’arrange, je n’ai aucune envie de participer au bain de sang qui s’annonce. Je vois ses yeux fascinants s’agrandir d’horreur et briller comme des flammes dorées, ses mâchoires se serrer à se rompre, ses poings s’ouvrir et se fermer convulsivement, comme si elle rêvait de s’emparer de ses poignards et de se lancer dans la mêlée. Soudain, elle me repousse brutalement et détale en courant à une vitesse stupéfiante, me laissant seul face au massacre qui s’achève déjà. Pour un peu je ferais comme elle et mon cœur se serre en voyant mon frère décapiter d’un geste fluide et dans une gerbe de sang doré le dernier Shaïtan encore debout.

Ariana ne me donne pas signe de vie pendant les jours qui suivent. Mes messages s’accumulent sur son répondeur et chaque nouveau sms envoyé et resté sans réponse ajoute un poids supplémentaire à mon cœur déjà insupportablement lourd. Je tourne et retourne dans ma tête les mots que je lui dirais si elle daignait enfin me parler et j’alterne les moments où j’imagine nos retrouvailles passionnées et ceux où elle me dit sèchement qu’elle préfère ne plus jamais me voir. Je deviens taciturne et supporte de moins en moins bien les rodomontades satisfaites de mes frères qui ne se lassent pas de commenter avec enthousiasme la façon dont ils ont abattu ces trois Shaïtans qui se sont à peine défendus. La seule à sembler me comprendre est ma mère qui tente régulièrement de me réconforter sans grand succès.
-  « Elle est bouleversée, c’est bien naturel, elle n’était pas prête, mets-toi à sa place… Tu vas voir mon Sammy, c’est une fille forte, elle va s’habituer à l’idée. Laisse-lui un peu de temps… Elle va te rappeler. »
Pourquoi ai-je l’impression que c’est de rage et non de peur, qu’elle tremblait ?

Note à moi-même : contacter Manon (ou Alyssa ? ou Thomas ?) pour qu’elle convainque Ariana de me voir et de parler avec moi.
Note à moi-même : Trouver quoi lui dire pour tout arranger… Mais pourquoi, au juste, m’en veut-elle ?

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