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La Revanche - Episode 6

vendredi 24 mars 2017, par Sylvie Pichon

[AVERTISSEMENT : Bien qu’inspirés de la réalité, les personnages comme les événements de cette histoire sont totalement fictifs.]

A la suite de toutes ces disparitions, déjà 4 garçons et 3 filles, (ce qui réduisait à néant l’hypothèse selon laquelle le pervers n’enlevait que des garçons) les médias s’étaient mis à faire le siège du collège matin et soir avec leurs camions-régie et leur forêt de micros et de perches-sons brandies sous le nez des passants.
En début et en fin de semaine, les interviews des parents, des élèves et des enseignants tournaient en boucle au Journal de 20h avec éternellement le même discours dans cent bouches différentes. Les vendredis, chacun s’inquiétait pour ses enfants, compatissait au chagrin et à l’inquiétude des familles des victimes, tout en espérant que la police résolve l’affaire le plus rapidement possible. Les lundis, la compassion l’emportait, suivie par l’inquiétude pour l’avenir et l’espoir d’une résolution rapide… La police et le procureur, pour leur part se voulaient rassurants à chaque conférence de presse, tout en admettant que leurs pistes étaient minces, tandis que l’administration répétait ses consignes de sécurité à longueur de temps, hélas sans aucun effet. La psychose était générale et la moindre absence injustifiée passant aussitôt pour une nouvelle disparition, entraînait une descente des forces de police au domicile du contrevenant.

Les élèves du Club Lecture finirent par s’étonner un vendredi que ni les médias ni la police n’évoquent jamais les étranges phénomènes qui se multipliaient au collège.
Force était de constater qu’aucune des personnes au courant n’était jamais parvenue à parler aux autorités de la Liste de la salle d’allemand. Ils avaient pourtant tous été interrogés plusieurs fois par les enquêteurs, avec la ferme intention de l’évoquer, mais c’était comme si l’information se repliait dans un petit coin sombre de leur cerveau et y restait enfermée le temps de l’entrevue. Pourtant, le sujet revenait sur le tapis parmi les 4e 2 tous les vendredis ; ils avaient même maintes fois tenté de photographier le tableau mais rien n’y faisait : les téléphones ne s’allumaient pas, les applis photo buggaient et les rares photos prises disparaissaient des cartes mémoires. Pire encore, il semblait que le tableau était effacé inconsciemment avant chaque fin de cours en dépit de la volonté de tous.
-  « Ça me rappelle quelque chose… Remarqua Carèle Tu te souviens, maman, de ce roman où un sorcier lançait un envoûtement pour empêcher quelqu’un de le dénoncer ?
-  Tu as raison, on a l’impression qu’on nous a lancé un sort qui nous interdit d’évoquer toutes ces choses surnaturelles à l’extérieur.
-  Ben oui, et du coup l’enquête de la police ne peut pas progresser sans cet indice. S’ils le savaient, ils pourraient au moins protéger le prochain sur la liste. C’est un Hugo, non ? Renchérit Anaïs.
-  Dans ce cas, on n’a plus qu’à mener l’enquête nous-même ! S’exclama Sahel. »
La proposition souleva l’enthousiasme d’une partie du Club Lecture qui se voyait déjà dans la peau de Sherlock Holmes : c’était l’idée du siècle, il fallait faire quelque chose ! Marion, Carèle et Loane, pour leur part, avaient l’air soucieuses : et si le pervers se vengeait en s’en prenant à eux ?
Mme Pichon pesa le pour et le contre :
-  « On pourrait déjà commencer par noter tous les indices que nous connaissons pour mieux évaluer la situation, on avisera ensuite… Mais on ne peut pas rester sans rien faire, il faut que ça s’arrête ! Les pauvres enfants… »
Elle sortit une liasse de feuilles et chacun raconta ce qu’il savait : la ligne des 5e3 disparue, la craie volante, la Liste de la salle d’allemand, les escaliers interminables, Carèle poursuivie par une « ombre », le porte-clé et le vomit-bag de M. Darmont, les phénomènes et bruits inexpliqués dans les salles, les livres du CDI et l’agenda mystérieux, le miroir explosé… La liste était longue.
- « Il y a encore autre chose, annoncèrent Anaïs et Marion en chœur. On a entendu Julien discuter avec Laëtitia en étude. Ils racontaient que Béatrice avait vu un soir, alors que le collège était vide, une classe défiler en direction de la SEGPA. Ils étaient menés par un prof et avançaient sans aucun bruit. Certains avaient un cartable sur le dos et des coiffures ringardes. Quand elle leur a couru après pour leur demander ce qu’ils faisaient là, ils avaient disparu. Elle en avait les poils qui se hérissaient sur les bras.
- Et Julien a expliqué qu’il a aperçu dans une vitre son reflet avec des cheveux ! En se tournant pour mieux voir, il s’est retrouvé fixé dans les yeux par un total inconnu qui a ouvert la bouche pour crier puis a disparu. Il avait l’air super flippé ! »
Mme Pichon hésita un instant avant de prendre la parole.
-  « Moi aussi, j’ai vu quelque chose… M. Darmont fouillait dans son casier d’où il a sorti une carte postale. Ça a semblé lui faire un choc incroyable ! Il l’a jeté en vitesse à la poubelle avant de filer. J’aurais pas dû mais je suis allée voir ce que c’était : il y avait un paysage de montagnes dessus et quand je l’ai repêchée, j’ai eu l’impression qu’un camion me percutait, ça m’a coupé le souffle ! J’en ai lâché la carte mais j’ai eu le temps de voir que le verso était couvert de signatures maladroites, genre signatures d’ados…
-  C’est bizarre, remarqua Julie, M. Darmont revient bien souvent…
-  T’as raison, faut qu’on le tienne à l’œil ! S’exclama Sahel.
-  Et si on faisait des équipes ? Une sur l’agenda, c’est un de nos seuls vrais indices, une sur M. Darmont et la troisième sur les élèves de la Liste ? Proposa Mme Pichon.
Ils se séparèrent, tout excités d’avoir enfin un plan d’action et un rôle à jouer.