search

Accueil > CDI > Feuilleton > Les Oeufs du destin - 12

Les Oeufs du destin - 12

jeudi 6 juin 2019, par Sylvie Pichon

Chapitre 12 : Clés & liberté

Eloïse entrouvrit la porte pour laisser sortir Nero, chargé de leur indiquer si la voix était libre. En cas de problème, sa petite taille et ses plumes noires lui permettraient de se fondre dans le décor. Lorsqu’ils entendirent son croassement, ils se glissèrent dans le couloir, Kripec sur les talons, et progressèrent rapidement en direction de l’escalier en colimaçon qui ouvrait sa bouche sombre vers le sous-sol et ses cachots. Une fois de plus Nero fut envoyé en éclaireur pour les avertir qu’ils pouvaient entamer leur descente sans crainte. Rapidement Eloïse dû se tenir aux murs tant elle se sentait mal à force de tourner sur elle-même dans cet espace confiné et sombre.
Ils débouchèrent sur une salle de garde où deux soldats Rhaïms jouaient aux dés pour passer le temps. Déjà, Alric sortait son arbalète et faisait signe à son amie de faire de même. Sur un signe de tête, ils surgirent de l’ombre et tirèrent sur les gardes qui s’effondrèrent sans bruit, un carreau entre les deux yeux.
-  « Comme à l’exercice ! Ricana Eloïse. Prends le trousseau du gros, à droite, là, ordonna-t-elle à Alric. »
Les clés à la main, ils descendirent le couloir glacial, éclairé par de rares torches crachotantes, parcouru de cellules fermées par de solides barreaux, à la recherche de Samuel et Cassiopée. Ils les appelèrent à mi-voix en jetant des regards inquiets à droite et à gauche du passage étroit, sombre et humide qui se dirigeait sur au moins une cinquantaine de mètres jusqu’à une nouvelle salle dont la porte ouverte béait sur un espace plus sombre encore.
-  « Ici, croassa une voix d’homme brisée par les cris. »
-  « Papa ! C’est toi ? »
Eloïse se précipita vers la cage d’où provenait le cri, secouant fébrilement les clés à la recherche de celle qui ouvrirait la lourde serrure, puis courut vers la silhouette décharnée qui se relevait à grand peine en s’appuyant au mur du fond de la cellule dans un cliquètement de chaînes.
-  « ça va ? Tu vas pouvoir marcher ? S’enquit-elle d’une voix tremblante. »
-  « Sûrement, répondit son père avec un faible sourire, dès que tu m’auras enlevé toutes ces entraves… »
Ils délivrèrent Samuel et l’aidèrent à se relever. Malgré les nombreuses blessures qui prouvaient combien il s’était battu et son affaiblissement, il tenait à peu près debout, mais certainement pas assez pour sortir de la forteresse sans aide.
-  « T’inquiètes, on va t’aider à marcher, le rassura Eloïse. Tu sais où ils ont mis Cassiopée ? »
-  « Dans un de cachots du fond, je l’ai vu passer. Il grimaça légèrement. Vu comme ils la portaient, je doute qu’elle puisse marcher… »
Alric attrapa Samuel sous une aisselle pendant qu’Eloïse courait devant à la recherche de son amie. Au fur et à mesure, les autres prisonniers apparaissaient aux barreaux de leur cellule et les interpellaient pour leur demander de l’aide. La plupart étaient des guerriers shaïtans, rendus squelettiques et voûtés par seize années de prisons sans voir la lumière. Le cœur d’Eloïse se serrait à la pensée de ce que ces pauvres ères avaient vécu durant toutes ces années.
Cassiopée était dans la dernière cellule, prostrée dans un angle et visiblement pétrifiée par la peur. En voyant Eloïse approcher, elle releva la tête, le visage plein d’espoir, avant de la laisser retomber sur ses genoux, découragée.
-  « Cas ! L’interpella Eloïse, c’est moi ! Regarde-moi ! Insista-t-elle. »
-  « Elo ? Le regard de la jeune fille s’éclaira légèrement. C’est bien toi ? Je ne rêve pas ? Elle eut une sorte de hoquet, mi râle, mi sanglot. Je n’espérais plus que vous arriviez jusqu’ici. J’avais peur de finir mon existence ici, comme les autres… »
-  « On ne t’aurait jamais laissé tomber, voyons ! S’exclama Alric qui arrivait devant la geôle avec Samuel. »
La jeune fille se releva avec difficulté, pour aider Eloïse à lui retirer ses chaînes.
-  « Je te préviens, je ne pourrai pas marcher bien vite : je me suis tordu la cheville en tombant dans le piège. »
-  « On va avoir un problème, commenta Alric à mi-voix : remonter les escaliers, redescendre par les égouts puis s’éloigner sans se faire prendre va être mission impossible. Surtout si nous rencontrons des Rhaïms et que nous sommes obligés de nous battre… »
-  « Il va falloir créer une diversion, suggéra Eloïse. »
-  « Oui, exactement ! Et en plus on va faire une bonne action : on va libérer les prisonniers et leur demander de semer la panique dans la forteresse ! Qui est le chef, ici Samuel ? »
-  « J’espère que vous n’aviez pas l’intention de partir en les laissant ? Leur demanda-t-il, sévère. Il y a un capitaine shaïtan dans une des premières cellules. Je pense qu’il saura quoi faire. »
Eloïse et Alric remontèrent au pas de charge vers le début du couloir.
-  « Qui est le Baçkan, ici ? »
-  « Moi ! S’exclama d’une voix rauque un Shaïtan large d’épaule malgré sa maigreur, cramponné aux barreaux de sa geôle. Laissez-nous sortir, nous pouvons vous aider : nous sommes tous d’anciens guerriers. »
-  « Bien-sûr, s’exclama Alric. Nous avons besoin de vous pour faire diversion et attaquer les Rhaïms pendant que nous fuyons par les égouts… Il rougit soudain… Enfin… Si vous êtes d’accord avec ça… »
Eloïse lui jeta un regard en coin. Certes, ce n’était pas un super plan de leur point de vue, mais était-il utile de le souligner comme ça ? Le sourire que leur adressa le capitaine était tout sauf joyeux. Il lui donna des frissons.
-  « Ne vous inquiétez pas, nous avons de nombreux comptes à régler et nous tenons moins à la vie qu’à notre vengeance… Par contre, il faut que vous emmeniez avec vous les deux prêtres du Dragon. Ils ne savent pas se battre et il faut absolument qu’ils sortent d’ici. Vous devrez les protéger à tout prix : voilà ma condition. »
-  « Marché conclu ! Alric lui tendit la main au Baçkan pour la serrer. Eloïse, passe-moi la première moitié du trousseau, on va libérer tous les prisonniers ! »

Suivez-nous sur Wattpad :