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Les Oeufs du Destin - 9

mardi 19 mars 2019, par Sylvie Pichon

Chapitre 9 : Traque & carte

-  « Mais pourquoi tu m’as pas laissé la sauver ! » S’insurgea Alric.
-  « Enfin, Alric, arrête de rêver ! Tout ce qui se serait passé, c’est qu’on se serait fait massacrer ! A deux contre six Rhaïms aguerris, nous n’avions aucune chance !
-  « Au pire, je serais mort en héros ! »
-  « Je croyais que tu étais MON héros ! Et puis mieux vaut un héros vivant qu’un héros mort… »
Cette petite crise de possessivité inattendue eut le mérite faire redescendre Alric sur terre, au grand soulagement d’Eloïse qui réalisa qu’elle comptait sur son sens de l’organisation pour décider de la suite des événements.
-  « Bon, qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? » S’interrogea-t-elle tout haut en caressant distraitement les poils soyeux du griffon.
-  « On va chercher nos sacs et on part vers l’Est. »
Les deux amis, un peu désemparés, retournèrent à la villa d’un pas vif. Ils décidèrent de se répartir les affaires les plus utiles de Cassiopée entre eux deux et tombèrent sur la carte de Gerle Ad soigneusement pliée au fond de son sac.
-  « Voyons voir, où se trouve la forteresse rhaÏm le plus proche ? Mieux vaut ne pas partir au hasard si nous voulons retrouver Cas rapidement… » Commenta Alric en éclairant le parchemin avec sa lampe torche.
La partie Est était manifestement la plus peuplée par les Rhaïms et plusieurs villes et places-fortes l’occupaient. Les possibilités de lieux d’emprisonnement étaient trop nombreuses pour décider d’un objectif plutôt qu’un autre et tous deux étaient conscients que le temps pressait : qui savait dans quel état ils retrouveraient Cassiopée s’ils traînaient trop ?
-  « Si tu étais Rhaïm, où retiendrais-tu Cas ? » Finit par demander Eloïse, frustrée, à Alric qui se contenta de grogner vaguement en réponse.
-  « Regarde ! s’exclama-t-elle soudain. Il y a un point en surbrillance qui se déplace, là ! Eteints ta torche, on verra mieux. »
Dans la pièce sombre, un point lumineux se déplaçait effectivement sur la carte vers la droite, avant de s’arrêter dans une forteresse dont le dessin suggérait qu’elle était immense, terrifiante et imprenable. Certainement la dernière vers laquelle ils auraient souhaité se diriger.
-  « Il ne reste plus qu’à supposer que c’est bien Cas… Soupira Alric. Je ne savais même pas que cette carte était magique. Elle ne brillait pas, en tout cas, la dernière fois… Comment on l’a activée, à ton avis ? »
-  « Peut-être que c’est le fait de prononcer son prénom ? On pourrait peut-être essayer avec mon père ? Trouve Samuel ! » Prononça Eloïse d’un ton autoritaire en articulant exagérément.
-  « J’y crois pas ! ça marche ! Regarde, ici ! En plus on a de la chance, il est retenu au même endroit. »
-  « C’est assez logique, j’imagine, mais ça veut sans doute dire que c’est leur place-forte la plus sécurisée donc la plus difficile à pénétrer. Au cas où le dessin nous aurait laissé un doute » Commenta Eloïse, un peu amère.
-  « On avisera sur place. En attendant, mangeons quelque chose puis mettons-nous en route dès que possible. Je suggère de marcher pendant la journée, avec tous les rochers nous passerons inaperçus. Nous volerons uniquement lorsqu’il fera nuit », proposa Alric.

A l’aube, ils se mirent en route, Nero et Kripec, le griffon, surveillant depuis le ciel que la voie était dégagée. La marche se révéla plus compliquée que prévu puisqu’il fallait faire de grands détours pour contourner les énormes rochers qui parsemaient la plaine et formaient un labyrinthe inextricable.
-  « Je commence à comprendre pourquoi presque toutes les créatures de ce monde ont des ailes, grommela Eloïse. Il n’est vraiment pas adapté aux piétons. »
-  « Tu as encore de l’eau dans ta gourde, toi ? s’enquit Alric. Toute cette marche, ça donne soif… »
-  « Non, il va falloir qu’on trouve de l’eau rapidement répondit-elle en ouvrant la carte pour la consulter. Tiens, regarde, il y a une source qui vient d’apparaître à quelques kilomètres d’ici, un peu plus au sud. On n’aura qu’à contourner ces rochers par la droite et à se laisser guider pour la suite. »
-  « Elle est franchement géniale cette carte ! J’ai vraiment bien fait de vous la donner, se regorgea Alric. Tu crois qu’elle indique aussi les Mc Do ? J’ai comme un petit creux. »
-  « Ah ah, très drôle ! Et je ne suis pas sûre de vouloir savoir quel est l’équivalent rhaïm des fast-foods. »

Après une grosse heure de marche, ils arrivèrent à la source avec soulagement. Le paysage était décevant, aussi minéral et déprimant que le reste mais au moins l’eau avait l’air assez claire et ils supposèrent que si la carte l’avait indiquée, c’est qu’elle était potable. Leurs gourdes pleines, ils décidèrent d’en profiter pour se laver dans le bassin et nettoyer leurs vêtements poussiéreux chacun leur tour. Eloïse commença pendant qu’Alric préparait le repas.
L’eau était glacée mais le fond rocheux semblait dépourvu de vase. Elle commença à se frotter vigoureusement avec son savon puis passa à ses vêtements. Soudain, son pantalon lui fut arraché dans un grand bouillonnement et elle poussa un cri de surprise aigu lorsqu’elle se retrouva tirée brutalement en avant par une jambe. La tête sous l’eau, elle agita les bras de toutes ses forces pour essayer de remonter respirer à la surface mais sa jambe restait prisonnière dans un étau aux dents acérées. Réussissant à prendre appui sur son autre jambe, elle sortit la tête le temps de prendre une inspiration et d’appeler Alric à l’aide avant de retomber et de boire la tasse. Toute la mare bouillonnait et lorsqu’elle se retrouva avec le bras droit prisonnier à son tour d’une gueule aux dents pointues, secouée dans tous les sens, elle en conclut qu’elle avait affaire à plusieurs monstres. Elle avait beau se débattre autant qu’elle le pouvait, ses adversaires ne cédaient pas d’un millimètre, son sang commençait à colorer l’eau en rouge, elle manquait d’air, ses tempes bourdonnaient, ses griffes et ses muscles de Shaïtan étaient impuissants. Elle commença à paniquer sérieusement, surtout lorsque sa deuxième jambe fut saisie à son tour et tirée à l’opposé de la première. Elle ne voulait pas mourir là, au fond d’une mare, dévorée par des bestioles inconnues, alors que sa quête commençait à peine. D’une main tâtonnante elle chercha au fond de l’eau une pierre suffisamment grosse et frappa de toutes ses forces la tête qui retenait son bras droit. L’animal, surpris, lâcha prise et elle put sortir la tête de l’eau pour se retrouver nez à nez avec un museau « dragonesque » plein de dents et ensanglanté. Puis elle fut de nouveau submergée, secouée dans tous les sens, aveuglée par les bulles et le sang. Mais cette fois, elle utilisa sa main droite libre pour lacérer ce qui passait à sa portée, encore et encore. Enfin, comme si quelqu’un avait appuyé sur un interrupteur, tout s’immobilisa et ses jambes furent libérées. Elle bondit littéralement hors de l’eau, dans une grande inspiration affolée et se retrouva debout dans à peine 1 mètre d’eau, face à un Alric à l’air hagard brandissant un katana dégoulinant d’eau et de sang.
-  « Oh mon dieu ! s’exclama-t-il, hors d’haleine. Pendant une seconde j’ai cru que je t’avais découpée avec le monstre ! »
-  « Les monstres, tu veux dire ! » Réussit-elle à protester entre deux inspirations tremblantes.
-  « Non, heureusement, il n’y en avait qu’un ! » Alric la saisit par le bras et le tira hors de la mare avec une précipitation qui la fit trébucher et lui arracha un cri de douleur en rappelant son bras mordillé à son bon souvenir. « Mais si j’en crois les légendes les têtes des hydres ont une fâcheuse tendance à repousser et se multiplier ! Donc on s’éloigne ! »
Il l’entraîna en courant jusqu’au petit campement qu’il avait installé, replia et fourra toutes leurs affaires en vrac dans les sacs à dos et ne s’arrêta qu’après avoir mis une distance respectable et bon nombre de rochers entre eux et la mare.

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