Je cherche mon nom dans les listes des terminales affichées sur la porte vitrée du lycée, lorsque je l’entends, prononcé par deux filles qui font des commentaires sur la composition de leur classe :
  « Samuel Barghest ? C’est qui, celui-là ? »
  « Enfin un nouveau garçon ! J’espère qu’il sera mignon ! »
Peu désireux de confirmer –ou pas- leurs espoirs, je les suis discrètement dans le patio où elles embrassent à grand renfort de piaillements ravis ce que je suppose être le reste de la classe et je m’adosse à un pilier pour observer mes nouveaux camarades sans être vu. Une soudaine baisse de volume me fait redresser la tête.
  « Wouah… T’as vu Ariana ? »
  « Elle a changéééé… »
  « Ouais, graaave… »
  « Des changements comme ça, j’en veux d’autres ! ricane un garçon. »

Je suis du regard la jeune fille brune aux cheveux nattés qui approche avec assurance, sûre de son charme, un léger sourire narquois au coin des lèvres, flanquée d’une copine à l’air subjugué. Son arrivée provoque des remous dans la petite foule et une jolie blonde à la robe monstrueusement courte vient la provoquer, manifestement pour assurer son règne au sommet de la hierarchie : quelles pestes ! La brune semble l’emporter un à zéro et parcourt l’assemblée d’un air satisfait, avant de croiser mon regard et de me fusiller de ses yeux topazes, presque incandescents, cernés de khôl noir. Inutile de me mentir : cette fille est vraiment canon et j’aime son style rock sombre, mais quelle g… prétentieuse ! Et puis je ne peux pas sentir ce genre de filles qui croit que tous les garçons doivent être à ses pieds.
La blonde m’a l’air encore pire, avec sa petite cour… Par contre, lors de chaque appel de la journée, son nom de famille me semble étrangement familier. Pourquoi ?

Lorsque je rentre à la maison, un message crypté de la Famille me fait froid dans le dos : des Shaïtans ont été aperçus dans la nuit d’hier à Lyon. Si l’on en croit les traditions perpétuées chez les Sang-dorés, le portail ne s’ouvre qu’une fois dans le sens Outremonde/Terre. Ce qui signifie qu’ils sont déjà TOUS arrivés parmi nous… Et que quelqu’un a fait une petite erreur dans ses calculs d’alignement des planètes.
En tout cas, cela explique les scintillements du portail le jour de mon arrivée : ils ont dû passer la nuit d’avant. Je descends précipitamment l’escalier de la cave, la lampe de mon téléphone allumée à la main, Nero sur mes talons, et parcours les couloirs sombres et humides du souterrain sur quelques centaines de mètres, jusqu’au discret passage dans la paroi qui mène à la cavité abritant le Portail. Je le prends à nouveau en photo, mais comme je m’y attendais, il ne luit plus et ressemble à une sorte de cercle de pierre vaguement baroque avec un renfoncement peu profond, mais étrangement sombre et toujours un peu flou. Rien qui puisse attirer l’œil d’un profane, et pourtant je ressens toujours une sorte de crainte respectueuse lorsque je le regarde : après tout, c’est de là que provient une partie de mes lointains ancêtres.
J’observe le sol avec attention à la lumière de mon flash, mais la pierre ne retient pas les empreintes. Soudain, Nero m’interpelle d’un croassement et me montre du bec une petite pierre rouge sombre, montée sur du métal noir : le morceau brisé d’une boucle d’oreille ou d’un pendentif, quelque chose comme ça… Ma main tremble un peu en regardant cet objet d’un autre monde, signe indubitable qu’ILS sont passés par là. Après un moment de stress maximum, l’excitation me gagne : finalement, c’est à ça que je me suis préparé toutes ces années !

Une deuxième pièce du puzzle se met brutalement en place dans ma tête : Balkrowiak est le nom d’un démon ! Ce n’est pas très malin de leur part, mais Paulina est forcément une Shaïtan… Contre toute attente, il semblerait qu’il y aura de l’action à Nevers.
Que la chasse commence !

Note à moi-même  : ne pas signaler ma découverte à la Famille Chercher des bijoux du même style sur mes camarades de classe et sur les passant.e.s.
Note à moi-même  : trouver l’adresse des Balkrowiak, suivre Paulina chaque fois qu’elle met le nez dehors, me renseigner sur ses amis, ses fréquentations, etc.

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