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Le Portail d’Outremonde - 6

vendredi 19 janvier 2018, par Sylvie Pichon

Chapitre 6 : Ariana

Le Khaghän nous a convoqués dans son domaine, situé au milieu des prés –et pour tout dire, de nulle part- à quelques kilomètres du lycée, puisque opportunément, le Proviseur aimait de toute évidence la solitude et l’isolement.
Ça me fait drôle de voir mon père sous son apparence humaine, tout rondouillard et bedonnant malgré le régime et la musculation qu’il a commencé à pratiquer assidûment. Nous sommes une petite trentaine réunis dans la grande salle à manger où un tronc brûle dans la cheminée monumentale.
Il prend la parole, solennel, comme toujours :
-  « Shaïtans ! L’heure est grave… Certains d’entre nous ont déjà péri, assassinés par les Sahirs de Lyon et de Marseille. Cela signifie qu’ils sont déjà conscients de notre présence et qu’ils nous ont déclaré la guerre… » Il parcourt notre groupe de son regard perçant, puis reprend. « J’ai choisi Nevers pour vous, ma famille, parce que nous avons des raisons de penser qu’il n’y a que peu de Sahirs pour nous menacer. Cependant, un échec est inenvisageable : nous devons réussir ! Je vais donc vous énoncer les quatre règles à respecter à tout prix et sachez que le moindre contrevenant sera puni et banni de ce monde par mes soins.
Premièrement, aucune attaque d’humain, sous aucun prétexte ! »
-  « Mais si un Sahir nous attaque ? » Je demande, révoltée.
-  « Sauf en cas d’attaque, évidemment ; vous avez le droit de vous défendre. Mais attention, si vous tuez un, emportez et dissimulez le corps jusqu’à ce qu’on puisse le renvoyer par le portail. Eliminez soigneusement toutes les traces de sang : inutile que la police s’en mêle.
Deuxièmement, faites vos métamorphoses à des moments différents mais par groupes de trois ou quatre qui ne doivent jamais se séparer la nuit. A vous de choisir avec qui vous muterez.
Troisièmement, faites profil bas et soyez discrets : j’aimerais que certains arrêtent de se faire remarquer ! » ajoute-t-il en me foudroyant du regard, ainsi qu’un de mes frères aînés . « Pour l’instant les Sahirs ne s’attaquent à nous que sous notre forme de Shaïtan mais ils sont sans pitié et s’attaqueront à vos corps humains dès qu’ils les auront repérés : Ils sont prêts à tout pour nous éliminer.
D’où ma quatrième règle : vous vous entraînerez au combat sous votre forme humaine et vous porterez en permanence une dague sur vous. Discrètement, cela va sans dire, surtout pour ceux qui sont au lycée. Et rappelez-vous, nous n’avons qu’un an pour réussir. En cas d’échec, il faudra attendre 500 nouvelles années et certains d’entre nous ne seront plus là pour le voir… »
Après un dernier regard sévère, il nous invite d’un geste à rejoindre le buffet vers lequel je me précipite, flanquée de mes fidèles lieutenants (et cousins) qui constituent avec moi le groupe des lycéens : les jumeaux Thomas et Mathis, Justine et sa chérie, Lucile et enfin ma fidèle entre les fidèles, Manon, à qui les cheveux bleus nuit et le style arty vont comme un gant. Comme Justine la ramène un peu trop, comme d’habitude, je ne peux m’empêcher de la remettre à sa place et lui retire d’un geste vif une de ses boucles d’oreille.
-  « A quoi tu penses, enfin ! Retire tout de suite tes bijoux shaïtans ! Tu as vraiment envie de nous faire repérer ? »
Je brandis sous son nez le long pendant noir à pierres rouge sang pendant qu’elle retire l’autre d’un air boudeur.
-  « Franchement, tu trouves que ça ressemble à un bijou humain ? En plus, il en manque un morceau ! » J’ajoute, pour enfoncer encore un peu le clou, en jetant le bijou dans le feu qui ronfle de l’autre côté de la table.
En fin de soirée, avant de laisser mon petit groupe repartir par le souterrain qui nous emmènera jusqu’au centre-ville, le Khaghän me retient quelques secondes :
-  « Fais bien attention à Balkroviak et Barghest. Ce sont des noms sahirs… Surveille-les mais ne te fais remarquer d’eux à aucun prix. »
Je me contente de hocher la tête d’un air concerné, peu désireuse de lui révéler que c’est mal parti… Mais aussi, comment séduire les garçons en jouant les passe-murailles ?

Le lendemain, je profite de ce que les amis de Paulina ne sont pas encore arrivés pour aller lui parler. Elle jauge d’un air pincé ma mini robe noire en cuir ajusté sans faire de commentaire et paraît mal à l’aise de me voir arriver vers elle bille en tête.
-  « Balkroviak ? C’est quoi comme nom, ça ? » Au diable la discrétion !
-  « C’est polonais » répond-elle sèchement. « Ma famille est originaire de Mazurie où nous possédions des terres et un château, avant l’arrivée des communistes. »
Elle a l’air toute prête à me raconter sa vie, dont je me fiche complètement, aussi je l’interromps :
-  « Ça signifie quoi, Balkroviak ? »
-  « Mais rien ! C’est un nom de famille, c’est tout ! »
Visiblement, ma question l’agace. Elle aurait préféré m’épater avec ses origines nobles. Si elle appartient effectivement à une famille de Sahirs, elle n’en sait probablement rien, sinon elle n’aurait pas réagi de cette façon… et elle m’aurait grillé…

Note 1 : Eviter les questions idiotes, par Arzagoth !
Note 2 : Trouver un moyen subtil de cuisiner Barghest.

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