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Le Portail d’Outremonde - 13

vendredi 30 mars 2018, par Sylvie Pichon

Chapitre 13 : Samuel

En enfilant ma tenue de patrouille, je me surprends à penser à Ariana et à essayer de deviner la tenue dans laquelle elle se présentera à notre première chasse, mercredi. J’ai une image assez précise en tête mais je m’efforce de la chasser de mon esprit, histoire de rester concentré.
Je viens de vérifier que mon équipement est complet et en parfait état quand mon ordinateur se met à sonner. Je pousse un soupir et ouvre Skype. Pourquoi l’idée de parler à mes parents me casse-t-elle de plus en plus les pieds ?

- « Oui, maman... » Je soupire d’un ton légèrement fatigué lorsque l’image commence à apparaître.
Pas de chance, c’est mon père. Nous voilà parti pour une conversation beaucoup trop sérieuse à mon goût.
- « Samuel, je viens de relire tous tes rapports et franchement, ça manque un peu de matière, tout ça ! »
- « Justement, je partais en patrouille », je tente.
- « Pas avant d’avoir répondu à mes questions. En définitive, combien as-tu compté de Shaïtans à Nevers, au total ? »
- « Euh... environ cinq ou six. » Je réponds avec un geste vague de la main.
- « Alors cinq, ou six ? »
- « Plutôt six, mais j’ai du mal à les distinguer les uns des autres. Je ne vais quand même pas les pucer ! » J’ajoute avec un rire qui sonne faux.
- « As-tu repéré leur base stratégique ? »
- « Non, ils sont très discrets et je les perds régulièrement dans le labyrinthe des souterrains. »
- « Hum, c’est ennuyeux, ça... Il va falloir que tu les explores et les cartographies. »
La tête de ma mère apparaît soudain à l’écran, l’air furieux.
- « Non mais ça va pas ! Tu ne vas pas envoyer mon Sammy dans les souterrains tout seul ! Tu sais que les Shaïtans voient parfaitement dans le noir et qu’ils entendent bien mieux que nous. Tu veux vraiment qu’il se fasse tuer ? »
Bizarrement, mon père a l’air de rétrécir. Il cherche visiblement un moyen de détourner la conversation sans perdre la face.
- « Bon ! je vais chercher dans les archives. Je suis sûr qu’il existe déjà des plans de ces fameux souterrains. »
- « Ah oui, papa ! Excellente idée ! Tu me les scannes dès que tu les as ? Bon, euh... je ne veux pas être impoli mais il faut que j’y aille. »

Je referme brusquement le clapet de l’ordi, soulagé d’échapper aux obsessions de mes parents. Je descends les escaliers quatre à quatre et appelle Nero pour qu’il joue son rôle d’éclaireur. Heureusement, le groupe de Shaïtans que je voulais surveiller cette nuit n’est pas loin. Ils semblent suivre leur parcours habituel quand Nero me lance un croassement d’avertissement.
Un peu tard, à l’évidence, puisque surgissant de l’ombre d’une porte cochère, un Shaïtan me saute dessus et me plaque une griffe acérée sur la gorge. Il m’étrangle de l’autre bras et je lutte désespérément pour attraper mon arbalète dans ma besace. Son regard de haine ne laisse pas de doute sur ses intentions.
- « Pour mon frère ! » Me lance-t-il d’une voix rauque.
Une sueur glacée me dégouline le long du dos et je peine de plus en plus à respirer. Je suis trop jeune pour mourir ! L’image d’Ariana apparaît dans mon esprit embrumé.
Surgi de nulle part, Nero fond toutes serres dehors sur les yeux du Shaïtan, tentant de les lui crever. Destabilisé, celui-ci relâche son étreinte d’une main pour chasser le corbeau, me laissant enfin la possibilité de sortir mon arbalète et de lui tirer un carreau dans le flanc. Un flot de sang doré jaillit, mais un nouveau croassement urgent de Nero me pousse à déguerpir : les renforts arrivent ! Étonnamment, ils ne me poursuivent pas, sans doute occupé à prendre en charge leur blessé, mais je suis hors d’haleine en arrivant à la maison. Je ne peux m’empêcher de me demander si le Shaïtan est encore vivant et je sens que son regard incandescent va me hanter encore un bon moment.

Après une nuit agitée, je me décide à appeler Ariana, ne serait-ce que pour lui faire prendre conscience du danger. Elle a l’air plus inquiète et touchée que je ne m’y attendais.
- « Mais tu vas bien ? Tu n’as pas été blessé, au moins ? Me demande-t-elle sur un ton presque fâché. »
- « Oui, oui, tout va bien. Juste quelques contusions et une coupure au cou, rien de grave... Nero m’a sauvé la mise, je lui dois une fière chandelle ! Il a eu droit à une double ration de noix ce matin. »
- « Eh bien tant mieux si ton sac à plumes sert à quelque chose, finalement ! Mais tu devrais être plus prudent ! »
- « On croirait ma mère... »
- « Je suis sérieuse ! Il est temps que je prenne les choses en main, on dirait... Si tu sors encore sans moi, garde donc ton poignard à portée de main : c’est tout de même plus maniable au corps à corps qu’une arbalète. »
- « Oui maman ! » Je plaisante. Mais dans le fond, je suis touché par son air concerné. Plus que je ne le devrais...

Note à moi-même : Choisir un poignard ou une dague maniable, l’affuter et trouver un bon fourreau à lanières pour le fixer à ma cuisse.
Note à moi-même : Penser moins à Ariana et dormir plus.

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