search

Accueil > CDI > Feuilleton > Le Portail d’Outremonde - 16

Le Portail d’Outremonde - 16

vendredi 4 mai 2018, par Sylvie Pichon

Chapitre 16 : Ariana

Le pauvre Samuel était vraiment verdâtre, hier, mais ma tisane l’a bien remis sur pieds et il s’est révélé tout à fait coopératif quand je l’ai embrassé. Pour ma part, je ne regrette pas du tout, c’était vraiment chouette et j’attends avec impatience de recommencer ! J’ai fait semblant de ne pas voir ma marque sur sa joue et il n’a pas abordé la question. Je me demande ce qu’il en pense… En tout cas ça ajoute encore à son charme.

Lorsqu’il arrive le lendemain au lycée, il est encore pâlichon mais ça à l’air d’aller. Je l’accueille d’un grand sourire, m’avance souplement vers lui, l’enlace et lui roule la pelle du siècle. Du coin de l’œil, je vois le reste de la classe nous regarder d’un air contrarié, à l’exception notable de Paulina qui doit se réjouir que je lâche enfin son petit ami. Je prends mentalement note de caser Alyssa –qui est blême- dans la journée avec un des jumeaux : ce sera mon défi du jour. La voix acide de Mme Claudette, la harpie qui nous sert de prof d’anglais nous arrache à notre étreinte torride.
-  « Monsieur Barghest, Mademoiselle Moser, veuillez avoir l’amabilité de garder vos langues dans vos bouches respectives. Vous irez expliquer à Madame la Proviseure votre conception des échanges linguistiques à la récréation. »
Sa petite plaisanterie provoque quelques ricanements et je la toise avec hauteur. Cette femme mériterait d’être une Shaïtan, elle est si délicieusement méchante ! Samuel n’a pas l’air très impressionné non plus, même s’il semble quelque peu embarrassé (de s’être autant embrasé ?) Au moins, mon message est clairement passé : désormais, tout le monde sait que Samuel est à moi ! Le passage chez la Proviseure est une formalité et elle semble plutôt ravie de la nouvelle. Mon initiative ne lui avait pas semblé plus judicieuse qu’à Manon…
Au retour, j’attrape Thomas et Mathis par le bras pour les ramener à Alyssa.
-  « C’est moi qui ai gagné à chifoumi », m’annonce Thomas. « Donc c’est moi qui commence. Si je n’y arrive pas d’ici quinze jours, je me suis engagé à laisser la place à Mathis. Mais de toute façon, baby, c’est dans la poche ! » S’exclame-t-il en se dirigeant d’un pas assuré vers les filles de ma classe et Alyssa en particulier.
Cette dernière se couvre de plaques rouges et trouve un intérêt soudain à ses escarpins à talon qui l’empêchent de partir en courant. Thomas en profite pour l’enlacer et la faire pirouetter sur elle-même au son d’un rock ( ?) de son cru avant de lui débiter quelques platitudes romantiques qui me font lever les yeux au ciel mais arrachent un sourire embarrassé à mon amie. Les choses semblent bien engagées.

A la fin de la matinée, Samuel se décide enfin à me dire ce qui le turlupine visiblement depuis ce matin.
-  « Ah, au fait, j’ai rappelé ma mère. Elle voulait m’annoncer que la famille avait décidé de passer les vacances de février chez moi. Je crains que nous ne puissions pas nous voir pendant ce temps-là… Ou alors en dehors ? »
-  « Pas question, j’ai hâte de rencontrer ta mère, au contraire ! Enfin, si tu n’as pas trop honte de moi ? »
-  « Non, non, c’est pas du tout ça… Elle sera ravie, d’ailleurs : une petite Sahir, c’est son rêve ! Mais tu es sûre de vouloir qu’elle s’en mêle ? Elle peut être franchement lourde, tu peux me croire ! »
-  « T’inquiète ! Je suis très douée pour apprivoiser les belles-mères ! Elle va m’a-do-rer ! Sauf si ça te gène ? C’est sérieux entre nous ? Enfin, pour toi, je veux dire… »
Il rougit et bafouille. Il est adorable…
-  « Oui, oui, bien-sûr… Mais tu n’as peut-être pas envie d’être fiancée à la fin des vacances ? »
J’éclate de rire. Je n’en demande pas tant.
-  « A ce point-là ? Ma fois, je ne suis pas contre une belle bague… On lui expliquera que les mariages sont plus réussis aux beaux jours, histoire de la faire un peu patienter. »
Je fais mine de ne pas remarquer son air soudain grave et je l’attrape joyeusement par le cou, dépose un baiser sur ses lèvres, puis l’entraîne vers la boulangerie, où nous attendent déjà Thomas et Alyssa, pour acheter des sandwiches. Nous nous entassons dans la petite voiture de Samuel pour les manger à l’abri du crachin glacial de ce début de février. Par le pare-brise embué, j’aperçois Manon et Mathis passer, bras-dessus bras-dessous avec deux jolies filles de la section Arts Appliqués. Vus leur sourire à tous les qautre, pas de quoi s’inquiéter de ce côté-là.
Ma mère prend la nouvelle de la visite de ma « belle-famille » beaucoup plus au sérieux que moi et décide sur le champ d’interdire toute sortie de Shaïtans durant la visite des Barghest. Ils ont fait beaucoup de dégâts à Paris et à Lyon, aussi n’est-il pas question de prendre le moindre risque.
-  « Est-ce qu’ils ne vont pas trouver étrange de ne croiser personne en quinze jours ? Il ne faudrait pas qu’ils soupçonnent quelque chose… »
-  « Tu as raison », concède ma mère. « Nous allons devoir faire quelques sacrifices… Je ne préviendrai pas toutes les escadres. Certaines sont… dispensables. Quand à toi », ajoute-t-elle sèchement, « il va falloir te tenir à carreaux et jouer ton rôle de petite Sahir innocente à la perfection. Tu seras sans filet, durant cette semaine. »
-  « Oui, oui, sois sans crainte, je serai mignonne comme tout, comme d’habitude. »
-  « C’est bien ce qui m’inquiète » Grommelle-t-elle en me congédiant d’une main impérieuse.

Note 1 : Présenter Samuel à mes parents. Mieux vaut qu’ils soient au courant si les Barghest veulent les rencontrer.
Note 2 : Demander à Samuel s’il faut leur parler de la guerre Sahirs/Shaïtans.