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Le Portail d’Outremonde - 20

vendredi 29 juin 2018, par Sylvie Pichon

Chapitre 20 : Ariana

Samuel est absent du lycée à la rentrée. Je m’y attendais mais je suis déçue malgré tout. Malheureusement son absence dure et je me sens vide, j’ai l’impression qu’une partie de moi manque. Je suis susceptible, irritable, « émotive ». Visiblement le bruit court que nous avons rompu car les garçons de la classe recommencent à me tourner autour. Pas de chance pour eux, je suis de très mauvaise humeur et les envoie bouler chaque fois qu’ils me parlent. Une fois de plus, je sens l’Ariana humaine et soumise à ses émotions reprendre le dessus. Je suppose que cela signifie que Samuel me manque…

Mon escadre est exaspérée par mon attitude, ils ne me comprennent pas du tout et sont toujours fâchés contre moi : je les ai mis en danger et j’ai désobéit de façon flagrante à la Khaghän. Celle-ci affiche une colère de façade –je sais qu’en réalité elle approuve ma tentative- contre son héritière qui se permet de ne pas lui obéir : elle se doit de me punir, il en va de son autorité. Je reçois 100 coups de fouets devant tous les Shaïtans réunis dans la grande salle de notre QG. Lorsque je titube hors de la pièce, soutenue par Mathis et Thomas, le dos en sang, je relève sur quelques visages un léger sourire goguenard… Ça se paiera en temps et en heure… J’ai réussi à contenir mes cris de douleur, l’honneur est sauf, mais je sais que les prochains jours ne seront pas une partie de plaisir. Je me fais porter pâle à mon tour, le temps de me remettre, même si la douleur est plus supportable dans mon corps humain.

Samuel finit par me contacter, à mon grand soulagement, et me donne rendez-vous, seule, dans la salle du Portail. J’ironise :
-  « Comme ça tu pourras toujours me jeter par le Portail si tu veux te débarrasser de moi ! »
-  « Tssk ! N’importe quoi ! » Grommelle-t-il. « Un proverbe Sahir dit que les Shaïtans ne mentent jamais devant leur Porte. »
-  « C’est vrai. C’est là que les Sahirs nous torturaient avant de nous renvoyer à Gerle Ad quand ils nous capturaient vivants. »
Un léger silence suit ma déclaration.
-  « Hum, nos versions diffèrent… »

Quand je le retrouve, quelques heures plus tard, il est en tenue de chasseur, armé jusqu’aux dents. Moi aussi. On se dévisage quelques secondes et un léger rire m’échappe.
-  « Il y a comme un léger manque de confiance mutuel, on dirait ! »
-  « Oui, eh bien explique-moi pourquoi je vous épargnerais, toi et les tiens ? »
-  « Parce que nous ne sommes pas vos ennemis ! » je soupire. « Nous sommes juste venus nous réfugier à l’abri d’une guerre de plus de dix mille ans qui a exterminé quasiment tout notre clan. Cette fois nous sommes tous venus, à l’exception de nos prêtres qui sont sacrés et à l’abri du génocide. Et vous avez bien achevé de nous décimer : il ne reste plus que deux ou trois cents d’entre nous sur cette Terre. Dès que le Portail se refermera, ceux qui seront autorisés à rester renonceront définitivement à leur nature Shaïtan : ils ne pourront plus se transformer, perdront leur immortalité et quasiment tous leurs pouvoirs, déjà bien affaiblis sur Terre. Nous ne serons plus un danger pour personne… »
-  « Mais vous volez des corps et des âmes humaines ! »
-  « Pas vraiment. Petit à petit nous fusionnons avec notre hôte, et sa personnalité, ses souvenirs ressurgissent. En échange nous leur offrons une vie plus longue, plus intense, plus riche, plus audacieuse et les quelques pouvoirs qui nous restent. C’est un deal plus qu’équitable ! »
-  « Qu’ils n’ont ni choisi ni voulu ! »
-  « Non, c’est vrai… » Je concède, laissant le silence s’installer tandis que je réfléchis à sa remarque. « Mais nous leur offrons aussi le véritable amour car leur partenaire humain les aimera pour toujours, fidèlement et avec une passion intacte. Toutes les grandes histoires d’amour éternel dont les humains se délectent impliquent un Shaïtan. C’est un amour surnaturel auquel les couples ordinaires aspirent mais qu’ils ne pourront jamais connaître. »
-  « Tu inventes ! » Me défie-t-il, à moitié sincère seulement.
-  « Non Samuel : aucun Shaïtan ne peut mentir devant la Porte ! Et tu sais que je dis vrai… C’est aussi pour ça que les Sahirs tiennent tellement à se marier entre eux : à cause de la magie du Sang Doré qui rend tout plus intense. » Je le regarde avec toute la sincérité et la conviction dont je suis capable. « C’est LA raison pour laquelle tu ne m’as pas tuée, tu ne m’as pas dénoncée et tu ne me renverras pas à Gerle Ad… Tu m’aimes et tu ne pourras jamais cesser de m’aimer… »
Ses yeux dorés, si semblables aux miens, brillent. Samuel secoue la tête d’un air vaincu, s’approche de moi et m’enlace.
-  « Je t’aime et je ne pourrai jamais cesser de t’aimer… » Murmure-t-il à mon oreille, comme un fait que rien ne pourra changer.
Il m’embrasse, je m’embrase dans ses bras et je sens mon corps se transformer contre le sien sans qu’il ne me repousse. Tout est tellement plus fort, ainsi.

Note1  : Encore…
Note2  : Et encore…

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