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Métamorphoses - Chapitre 10 : Sam

lundi 23 mars 2020, par Sylvie Pichon

De retour à l’internat, nous montons nous cacher dans notre repaire habituel, la chambre inoccupée de l’étage des garçons. Il n’y fait pas très chaud, mais c’est tout de même infiniment mieux qu’une cabane de jardin. Surtout, comme le signale Mya, qu’elle n’abrite aucune arachnide…
- « Alors, crache le morceau : c’est quoi ta fameuse idée ? » S’impatiente-t-elle.

- « Réfléchis ! Nous détenons une information ultra confidentielle ! Imagine ! C’est de la bombe ! Qu’est-ce que la bande de Rose ne donnerait pas pour qu’on garde leur secret ? »
- « Et donc ? »
- « Nous pouvons leur demander n’importe quoi en échange de notre silence : nous protéger des autres, nous venger, surtout. »
- « Nous venger en faisant quoi ? Remplacer leur shampoing par du sirop ? Mettre de la confiture dans leurs chaussons ? J’y ai déjà pensé et nous n’avons besoin de personne pour le faire à notre place ! » Rétorque Mya avec agacement.
- « Non, je pensais plutôt à casser la figure de Tim et Noa. Faire tellement peur aux filles qu’elles n’osent plus lever le petit doigt contre toi ! Enfin tout ce que je ferais si j’en était capable… En tout cas leur passer l’envie de nous martyriser ! »
Ma propre colère et l’amertume qui transparaissent dans ma voix me sidèrent moi-même. Je garde un instant le silence, et je respire profondément, espérant en faire disparaître le tremblement. J’attends aussi une réaction de Mya, mais elle semble incertaine.
- « Nous pourrions aussi leur demander de traîner un peu avec nous, histoire de nous rendre un peu plus populaires... » Je tente, car je soupçonne qu’elle rêve d’être amie avec Rose, pour qui elle a un crush, de toute évidence.
- « Franchement, j’y crois pas trop, je les vois pas du tout accepter sous la contrainte d’être amis avec nous… Ou frapper d’autres élèves… Et surtout je trouve ça nul de faire chanter les gens. Ça se fait pas ! »
- « Peut-être bien, mais qui ne tente rien n’a rien. Chaque fois qu’on a parlé aux adultes, on n’a fait qu’envenimer la situation… Cette solution est moralement contestable, ok, mais c’est la seule qui nous reste. Qu’est-ce qu’on risque de toute façon ? »
- « D’être haïs par eux aussi alors qu’ils nous fichaient la paix. Voire d’être éliminés comme témoins gênants. »
- « Arrête de délirer, Mya, c’est pas la mafia, ils ne vont pas nous tuer pour ça ! »
- « Fais comme tu veux, soupire-t-elle finalement, mais sur ce coup-là je ne te suivrai pas. »
Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas certain d’avoir raison, mais il faut que j’essaie malgré tout. Le lendemain soir, je profite du départ nocturne pour le dîner au réfectoire : j’arrête les quatre ‘’loups’’ sur le sentier qui chemine en direction du bâtiment et leur propose une conversation légèrement à l’écart. Ils me suivent sans un mot et m’entourent en me regardant d’un air indifférent et supérieur à la fois.
- « Et bien ? Demande Chris, qu’est-ce que tu nous veux ? »
- « Je vous ai vu, hier soir... » Je commence, espérant que ma pause involontaire passera pour plus mystérieuse qu’effrayée.
- « Waouh ! Incroyable ! C’est pas comme si on était tous à l’internat... » Ironise Chris en s’apprêtant à repartir avec ses amis.
- « Je veux dire que je vous ai vu franchir le mur et vous transformer en loups. »
- « Il va falloir arrêter de fumer la moquette ! »
- « Mya était là aussi et on était assez près pour qu’il n’y ait pas de doute. »
A leur air concentré, je vois que cette fois j’ai retenu leur attention. Ils échangent un regard incertain entre eux.
- « En quoi ça te concerne ? Mêle-toi de tes affaires... »
Il m’attrape par le col de ma veste et se penche très près de mon visage.
- « Tu crois peut-être que quelqu’un va te croire ? »
- « J’ai une preuve, je bluffe d’une voix qui tremble un peu, je vous ai filmé sur mon téléphone... »
Ses yeux brillent d’un éclat inquiétant et ses trois amis se sont dangereusement rapprochés.
- « Qu’est-ce que tu veux, minus ? » Grogne-t-il.
- « Vous nous protégez contre les brutes qui nous harcèlent et je vous jure qu’on gardera le silence. »
- « Et bien mon pote, le silence tu vas le garder de toute façon. Susurre-t-il, calme et menaçant. Parce que ce que les autres guignols vous font n’est rien à côté de ce que nous pourrions vous faire… Pour info, votre film ne prouvera rien de toute façon : les truquages, c’est tellement facile ! »
- « Si j’étais vous, j’éviterais de me faire remarquer davantage ! Ajoute Lio avec un ricanement ironique. Tu croyais réellement que tu pourrais nous faire chanter ? C’est pathétique ! »
Chris me lâche et Théo écarte fermement Mya qui vient de nous rejoindre, puis les quatre ados repartent d’un pas souple vers le réfectoire, pas le moins du monde ébranlés. Pour la première fois de ma vie je réalise ce que cela doit faire d’appartenir à un groupe soudé où chacun assure les arrières des autres. Comme ce doit être rassurant !
- « Alors, me demande Mya, tu as tenté ton coup ? »
- « Mouais… On peut dire que ça a été une grande réussite : je viens de nous faire quatre ennemis mortels de plus... »
Elle évite gentiment de me faire remarquer qu’elle m’avait prévenu et observe le groupe s’éloigner avec une envie qui semble faire écho à la mienne. Arrivée à la porte la dernière, nimbée de la lumière jaune du réf, Rose se retourne et nous jette un regard énigmatique.

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