Mais à vrai dire, trouver des points positifs à sa situation relève de l’exercice de haute voltige. En désespoir de cause, je l’invite chez Alice manger des gaufres et boire un chocolat chaud mais je vois bien que le cœur n’y est pas et qu’elle y touche à peine.

Au collège, je m’efforce de rester le plus possible avec elle et je tente en vain de la faire rire. Rien n’y fait, c’est à peine si elle me répond. A la cantine, elle triture ses plats sans y toucher vraiment et je soupçonne qu’elle dort mal. Elle est pâle, ses yeux sont cernés et même en cours elle ne participe plus du tout et semble ne s’intéresser à rien. Elle qui dévorait les romans regarde ses livres d’un regard vide et ne tourne pas les pages.

Même Rose doit avoir remarqué quelque chose car un soir en sortant du réfectoire elle me retient doucement par le bras en attendant que les autres s’éloignent.
 « Qu’est-ce qui ne va pas avec Mya ? Elle n’est pas comme d’habitude. »
J’hésite un peu avant de répondre. Ce n’est pas mon rôle de déballer la vie de Mya et je ne suis pas certain de pouvoir faire confiance à Rose. Son regard sincèrement concerné me décide finalement.
 « Elle a de gros problèmes familiaux et l’ambiance au collège n’arrange rien. Et puis elle a l’impression que tu lui en veux depuis mon ‘’intervention malheureuse’’. Et comme tu étais la seule fille à être un peu sympa avec elle... » J’ajoute avec un regard entendu.
Elle rougit légèrement, sans doute un peu embarrassée.
 « Je suis désolée… Je vais faire plus attention à elle, je te le promets. »
 « Oui, merci, ce serait gentil. Je t’avoue que je suis inquiet et je ne sais plus quoi faire pour lui remonter le moral. Je suis sûr qu’un peu d’attention de ta part lui ferait du bien. »
 « Ok, je vais tenter de lui parler, moi aussi, même si nous ne sommes pas vraiment proches... »
Elle s’éloigne d’un pas souple pour rejoindre ses amis et je la suis pour rattraper Mya qui a pris un peu d’avance.
 « Rose s’inquiète pour toi... » Je commence, sans trop savoir comment poursuivre.
 « Hmm... »
 « Je pense qu’elle va essayer de te parler... »
 « Hmm... »
Et elle accélère le pas, me signifiant par la que la conversation est close. Elle me précède dans notre refuge habituel et fait semblant de lire pendant un moment puis referme sèchement son livre et m’annonce d’un ton bref qu’elle va se coucher, me plantant là sans me laisser l’occasion de tenter de discuter avec elle. Il ne me reste plus qu’à finir la soirée tout seul ! Mais finalement, ce n’est pas plus mal : j’ai épuisé tout mon stock de platitudes réconfortantes et d’humour à deux balles et j’avoue que ne pas me sentir obligé de lui arracher un sourire me repose.

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